Elle est pour l’instant l’une des athlètes les plus en vue de cette année 2025.
Elle, c’est Alessia Zarbo, recordwoman de France du 10 kilomètres sur route et récente Championne de France de semi-marathon.
Portrait d’une athlète qui met un mot essentiel au centre de sa pratique : le plaisir.
Au téléphone, sa voix et sa bonne humeur laissent transpirer une femme heureuse. Et pour cause. Lors du Championnat de France de semi-marathon à Auray-Vannes (Morbihan) le dimanche 14 septembre et pour sa découverte de la distance, Alessia Zarbo s’est imposée avec le record de l’épreuve et la meilleure performance Française de l’année en 1h09’53. Sur un parcours vallonné, elle est passée au dixième kilomètre en 33’05, avant de distancer Mélody Julien et Margaux Sieracki, pourtant plus habituées à cet effort. Une première réussie ? « Pas tellement, je n’ai eu aucune sensations du début à la fin », sourit la principale intéressée. « Franchement, j’ai beaucoup subi. Au 15ème kilomètre, j’étais déjà presque K.O. Mais avec l’ambiance et le public, ça m’a porté et j’ai fini par prendre un peu de plaisir. » Sûrement le plus important pour cette athlète de 24 ans qui est avant tout à la recherche perpétuelle de ce sentiment de satisfaction.

« Je suis nulle dans tous les autres sports »
Après des débuts de triathlète grâce à « son modèle », sa grande cousine, la licenciée du Racing Multi Athlon découvre vraiment la course à pied lors des cross avec le collège. Grâce à sa double nationalité Italienne, Alessia progresse rapidement. « Ma première course ? Un enfer ! Je gagne un cross départemental UNSS. Sauf que le cross, c’est la guerre, toutes mes concurrentes étaient plus grandes que moi, j’avais peur. On devait être 400 au départ ! » Pourtant, avec son 1,57m, elle s’impose à bout de souffle. « Franchement, j’étais cuite. Ma grand-mère était là, je suis restée longtemps allongée, j’étais dans un état second. » Avec ses premières sélections en Équipe de France jeunes, notamment un 3000m (9’26.56) aux Jeux Olympiques de la Jeunesse à Buenos Aires (Argentine) en 2018, Alessia découvre le haut-niveau. « Le running m’a beaucoup aidée pour me construire. Le judo, le tennis, le golf, le volley, le ping-pong, le badminton, vous oubliez tout ça avec moi. Je ne sais rien faire d’autre comme sports et j’aime rien d’autre. » À part peut-être les chiffres ?
« J'adore faire des calculs avec les chiffres en course »
Pour découvrir une autre culture, un autre pays et continuer le sport de haut-niveau, Alessia part aux États-Unis, à l’Université de l’Oregon de 2019 à 2023. Un lieu chargé d’histoire dans l’athlétisme mondial, en tant que chef lieu de la marque Nike. « On était plutôt une petite équipe. Il y avait un côté humain qui me plaisait beaucoup. Ma coach de l’époque, c’est comme une tante aujourd’hui. Ça m’a aidé à me construire en tant que personne avec beaucoup de rencontres inoubliables. » Au sein des Ducks, surnom des étudiants de l’université de l’Oregon, dont la mascotte est un canard, Alessia réussit sa licence de business, spécialité finance et comptabilité. « Les chiffres, j’adore ça. Faire des calculs en course avec les chronos, les vitesses, ça ne me dérange pas, car j’aime les chiffres. Au début, je voulais devenir entrepreneur, mais des horaires de bureau, en intérieur ne me conviendraient pas. J’ai besoin de vivre dehors ! », explique celle qui réside actuellement chez ses parents, à Antibes (Alpes-Maritimes). Pourtant, cette réussite scolaire américaine n’a pas forcément été suivie d’une réussite sportive. « C’était plus compliqué », rajoute Alessia. « Si c’était à refaire, je le referais différemment. Ce que j’aime, ce sont les sports d’endurance, ceux où je me bats contre moi-même et où je peux me faire mal. » Au sens figuré… comme au sens propre ?

Le 14 mars 2025 : une date importante !

Arrivée avec une double fracture de fatigue du bassin le premier jour aux États-Unis, la Sudiste n’a pas pu être à 100% lors de ses 4 années d’exil. « Je n’ai pas eu beaucoup de blessures en nombres, mais j’ai souvent été victime de longues fractures de fatigue qui ne me permettaient pas d’être à 100%. » À son retour, celle qui compte 4 sélections en Équipe de France A manque de stabilité et se retrouve très fatiguée. « Mon corps ne se régénérait plus. J’étais épuisée toute la journée. J’ai eu des douleurs hormonales également qui ne m’ont pas aidée à me rétablir rapidement. »
Même son passage à l’INSEP après son retour a été compliqué à gérer physiquement. « C’est vrai que je n’ai pas pu en profiter à 100%. Moi, j’ai besoin d’une certaine liberté. Même si ce passage m’a permis de rencontrer de véritables amis comme Anaïs Bourgoin, Adrien Taouji ou encore François Chiron, la structure de la discipline là-bas ne me correspond pas totalement. »
Ce qui aurait pu s’apparenter à une descente aux enfers a, au contraire, permis à l’ancienne pensionnaire de l’Esperance Antibes de se développer autrement. « Dans chaque situation, il y a du positif. Je n’ai jamais mal vécu une blessure. J’en ai profité pour développer mon aérobie avec beaucoup de natation et de vélo. » Parfois même à l’extrême avec cinq séances par jour ! « Aujourd’hui, je suis à 100% et ça fait depuis 6 mois, soit le 14 mars que je touche du bois, c’est un truc de fou, je suis trop heureuse ! » Ce bonheur se ressent même au quotidien, au sein de l’alimentation d’Alessia. Victime de troubles du comportement alimentaire entre 2015 et 2019, l’athlète récemment signée par HOKA suite à son chrono de 32’28 lors du 10 kilomètres de Lille « remercie le sport. » « Plus jeune, je voulais juste perdre du poids. Ça n’avait rien à voir avec la performance, car mon rêve, c’était de pouvoir me mettre en brassière au stade d’athlétisme. C’était purement esthétique ! » Avec les années, celle qui est très attachée aux valeurs familiales « a mieux compris son corps. Si je n’avais pas fait de sport de haut-niveau, cela aurait pu me détruire, car j’ai mieux nourri mon corps en quantité et en qualité. Aujourd’hui, je mange assez sainement, mais je ne me prive jamais », rajoute Alessia. Avec même des sucettes, des bonbons et des viennoiseries partagés après les entraînements. « C’est trop bon ! » rigole-t-elle. Le détail des petits plaisirs, encore et toujours !
Un adage important : Apéro et renfo !
Si le volume et la qualité sont souvent opposés, Alessia, elle, n’hésite pas. « Franchement, aucun doute, le volume à fond… Mais un volume contrôlé ! »
Son volume global d’aérobie reste important tout en restant très attachée aux séances spécifiques. « Le footing long et progressif par tranche de 7 kilomètres en bord de mer, je pourrais en faire tous les jours. Comme des 1000m sur piste, car j’adore ça.

Mais la séance de côtes, vu que j’ai pas de force dans les ischios-jambiers et les quadriceps, c’est trop dur pour moi » Entraînée par Ludovic Beaugrand, « le père de Cassandre », depuis 2016, elle est bien entourée avec son kiné et son petit ami sur l’aspect biomécanique. « Ça reste une petite équipe, mais j’ai de la chance, car Ludovic me fait beaucoup confiance et me laisse beaucoup de liberté. »Alessia ne pratique pas les séances de double seuil et préfère plutôt les séances types pour progresser sur une distance et des vitesses spécifiques. « Je ne prends pas mes lactates. Je travaille beaucoup avec mon cardio et mes allures. Aujourd’hui, j’ai la chance de bien connaître mes zones d’endurance. » Pour témoigner de sa progression, son cardio ne dépasse pas les 160 BPM à une vitesse de 3’35 au kilomètre. « Ça peut paraître rapide comme allure, mais je fais tout pour progresser, notamment avec les chaussures carbones que j’utilise uniquement sur les grosses séances. » Car selon une étude menée par World Athletics, l’utilisation des chaussures carbonnes fragilise la voûte plantaire et peut provoquer des fractures d’aviculaire. « J’aime changer de chaussures et même parfois vivre pieds nus, c’est mon mode de vie ici, dans le Sud ! », explique Alessia qui s’est même installée une salle de sport dans son garage. « On a une devise avec mes parents, c’est apéro et renfo ! Mes parents prennent l’apéritif et on discute. Je fais surtout beaucoup de prévention de blessure ! »
Quelles limites ?
Si l’année 2025 est exceptionnelle pour Alessia, la fin d’année 2024, elle, restera à jamais un souvenir plus douloureux pour celle qui a fait un malaise sur le 10.000m des Jeux Olympiques au Stade de France. Après 25 minutes d’effort, l’athlète Française s’était écroulée avant d’être ensuite évacuée sur civière. « Non, je n’en ai pas marre qu’on me parle de ça, car c’est aussi ce qui a modifié ma méthode d’entraînement. Ce jour-là, c’était scientifiquement impossible que je tienne jusqu’au bout. Avant les Jeux Olympiques, je faisais parfois des footings de récupération à plus de 165 BPM. Mon corps était arrivé à bout. C’était un épuisement total lié à une fatigue chronique que je traînais depuis longtemps. J’étais blessée, j’ai surcompensé mentalement et physiquement. Pour être honnête, je n’étais pas moi-même, j’ai très peu de souvenirs de cette période. »
Les souvenirs de 2025 sont meilleurs, bien meilleurs. 32’22 à Nice sur 10 kilomètres le 27 avril. Puis un record personnel sur 10.000m piste à Pacé le 24 mai (31’50.62). Une deuxième place aux Championnat de France Élite sur 5000m à Talence le 2 août en 15’33 »78 derrière sa grande copine, Aude Clavier… Avant un magnifique 14’58’59 » une semaine plus tard sur la même distance à Oordegem (Belgique). Mais son plus beau chrono restera une course qu’elle n’avait pas cocher dans son calendrier.
Le 6 septembre, Alessia signe 31’00 lors du 10 kilomètres de Prague, en République Tchèque. Avec ce chrono, elle s’empare du record de France d’une seconde au détriment de Mekdes Woldu, « une idole qui m’a beaucoup aidée plus jeune », souligne-t-elle. Avec une septième place au scratch et la 17ème meilleure performance européenne de tous les temps, Alessia n’en revient pas. « De base, je n’étais même pas inscrite à cette course. J’avais évidemment le chrono national de référence en tête, mais je ne voulais pas le tenter aussi tôt. Je ne voulais pas forcer les choses. » Si la jeune femme ne voulait pas aller trop vite, c’est son petit ami qui a pris les devants lors d’une séance de 7x500m réalisée avec Aude Clavier une semaine avant Prague. « Je l’ai appris qu’après, mais mon copain a dit à mon père que j’avais sûrement 31’00 dans les jambes. Sans lui, sans eux, je ne serais sûrement pas allée là-bas ! » Le jour de la course, sans incroyable densité, Alessia décide de partir avec le groupe de tête masculin en espérant tenir le plus possible. Résultat ? Un premier kilomètre avalé en 2’54 avant de stabiliser l’allure entre 3’03 et 3’07 sur la fin du parcours. « Désormais, je vais courir à Valence un deuxième semi-marathon le 26 octobre pour essayer d’avoir de meilleures sensations que lors des France. Le semi, ça peut devenir une distance qui me correspond bien avec du volume et du travail spécifique. Mais j’aime aussi le 10.000m. Pourquoi pas tenter un jour de rentrer en Diamond League sur 5000m ? Il faudrait aller chercher les 14’45, mais je suis ambitieuse. Je ne dois pas trop m’éparpiller également, c’est pour ça que le marathon, je n’y pense pas encore. Comme me l’a dit ma première coach aux États-Unis, « No Expectation, No Limitation ». Pas d’attente, pas de limite ! Sauf peut-être celle de continuer de courir en prenant du plaisir, « car c’est le plus important », conclut Alessia… avec un grand sourire.
Propos recueillis par Geoffrey Charpille.
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