Interview de Clément Paillon, actuel 4ème meilleur performeur français de l’année sur 800m
Arrivé aux États-Unis il y a un peu plus de 2 ans, l’actuel sociétaire de l’Athlétique Sport Aixois (le club d’Aix-les-Bains), Clément Paillon est actuellement dans la forme de sa vie Outre-Atlantique. Le spécialiste du 800m, âgé de 25 ans, vient de courir 2 fois en moins de 1’49 en salle (1’48 »47), faisant de lui l’actuel 4ème meilleur performeur français de l’année sur la distance, seulement devancé par 3 athlètes de l’Équipe de France : Benjamin Robert, Gabriel Tual et Nasreddine Khatir. Une progression fulgurante pour Clément, qui bataillait encore « seulement » il y a un an pour passer sous les 1’50. Le capitaine de l’équipe « XC/Track and Field » de l’université AIC à Springfield, Massachusetts a accepté de répondre à nos questions.
TRC : Salut Clem, comment vas-tu ? Ça fait quoi d’être 4ème au bilan français sur 800m juste derrière des gros noms comme Benjamin Robert, Gabriel Tual ou Nasreddine Khatir ? (tous déjà sélectionnés en équipe de France)
Clément Paillon : Salut l’équipe, écoutez je vais plutôt très bien en ce moment autant physiquement que mentalement. C’est vrai que ça m’a fait un peu bizarre il y a 3 semaines de courir ce qui était alors la meilleur performance française de la saison : je ne m’attendais absolument pas à courir “si vite” en rentrée. Quand j’ai vu ensuite que j’étais premier français au bilan j’ai eu du mal à y croire ! Depuis, les gros noms ont couru et oui c’est vrai que c’est plutôt très motivant de me voir si proche d’eux. Je me dis que rien n’est impossible.
TRC : Après 4 ans à frôler la barre mythique des 1’50, tu l’as enfin « breakée » l’année dernière, tu as ressenti quoi à ce moment-là ?
CP : Du soulagement. Je savais que la barre allait tomber à un moment ou à un autre, mais on galérait a avoir des grosses courses et la perf tardait à venir… Du coup quand c’est arrivé ça a été un énorme soulagement, comme peut en témoigner mon cri de rage à l’arrivée. Et ça a été encore plus de bonheur de l’avoir fait “grâce” à mon pote Benoit Campion qui m’avait liévré sur 500m. L’athlé c’est un sport individuel qui se pratique en équipe !
J’ai axé mon entraînement sur plus de vitesse et de qualité, moins sur la borne
TRC : Depuis on ne t’arrête plus, plusieurs fois 1’48 cet hiver, des titres de champion dans ta conférence Nord-Est… C’est quoi le secret de ta réussite s’il y en a un ? Comment l’as-tu préparée cette saison ?
CP : Il ne faut pas oublier un point qui pour moi a été déterminant, c’est qu’à la suite de cette saison outdoor où j’avais donc couru en 1’49’’51 et fini ALL-American au NCAAD2, j’avais pour but de faire une grosse saison de cross à mon retour aux Etats-Unis à l’automne. Avec un groupe d’amis et seuillards que vous connaissez bien (Paul Kraemer, Simon Bédard et Quentin Arbonnier pour n’en citer que 3) nous sommes parti à Font-Romeu pendant 3 semaines l’été dernier pour préparer cette saison qui arrivait fin août/début septembre. Trois belles semaines de travail qui pour moi ont été fatales puisqu’à la suite de ce stage je me suis blessé sérieusement à la hanche. Cette blessure d’usure qui s’est installée à la fin de ce stage est venue anéantir ma saison de cross… 1 mois et demi sans courir, ça m’a fait bizarre. Mais ça a finalement été bénéfique car ça m’a permis de réfléchir et d’agir pour la saison indoor qui arrivait. J’ai su tirer le meilleur parti de cette blessure et de cette période d’inactivité. J’ai beaucoup échangé avec mon kiné qui trouvait que je courais “beaucoup trop” pour un coureur de 800. J’ai ainsi énormément travaillé avec un kiné de mon université et j’ai échangé avec le nouveau coach qui venait d’arriver au sein de l’équipe. On a donc décidé de changer les choses, d’axer l’entraînement sur beaucoup plus de qualité et moins de quantité. Je pense donc que c’est ça le secret : avoir un bon entourage, savoir se remettre en question et savoir changer des choses. Après ce mois et demi sans courir, je me sentais vraiment fort et solide sur mes appuis, je pouvais donc entamer la préparation sereinement. Sur ma première rentrée sur 800 je cours 1’48’’00 en relais (c’est même 1’47’’99 mais bon on va rester humble ahah). Deux jours après je cours un autre 800, pas en relais cette fois, en 1’48’’47 seul de bout en bout et puis deux semaines plus tard je confirme en 1’48’’55. C’est vrai que j’ai passé un cap et que la saison se déroule très bien, avec la semaine dernière une victoire aux championnats de conférence (l’équivalent des inters en gros). C’est bon signe à deux semaines des championnats nationaux.
TRC : Parlons entraînement, une semaine type pour toi, elle se déroule comment ? Quels sont tes objectifs, d’une part pour cette fin de saison indoor aux US et pour la suite de la saison ? Est-ce qu’une sélection en équipe de France tu y penses ?
CP : Depuis novembre 2021 où j’ai commencé à m’entrainer avec mon nouveau coach Nick Aguila, voici comment se déroule une semaine type :
Lundi AM – Vitesse pure (des 30,40,50, 70m jusqu’à 100m à fond)
Lundi PM – Footing tranquille récupération de 35min
Mardi PM – Séance de VO2 max qui se termine par des reps rapides (ex: 5×800, 2×600, 2X200 en 24’’5) le but étant de travailler la VO2 et de finir très vite sur des allures 800
Mercredi AM – Footing 45min
Mercredi PM – Muscu, déterminée par mon kiné (ça varie en fonction des semaines et des cycles)
Jeudi – Footing 45’
Vendredi – Séance Lactique (c’est le jour de la spé 800)
Samedi – Footing 1h
Dimanche – OFF ou footing cool
Je cours en moyenne 60km par semaine en ne dépassant jamais les 70km et j’ai aussi changé le jour de repos qui est 1 fois toute les 3 semaines contrairement a un jour de repos chaque semaine auparavant.
Mes objectifs ? C’est une bonne question car après avoir écouté le podcast du TRC sur Coach AK je me rends compte que les objectifs sont super importants ahah. Etant premier au bilan NCAAD2, je veux gagner, je sens que la forme est là, j’ai passé un gros cap à la suite de ma blessure, je veux donc finir cette saison en beauté. A la suite de la salle, et après 1 semaine “light” on enchaînera sur la saison outdoor. Pour être honnête je n’ai plus aucune limite et sans être prétentieux je vais viser les 1’47’’00 cet été. On verra bien si j’arrive à faire mieux mais je serais déjà très heureux. La sélection en équipe de France, je ne l’avais jamais évoquée depuis que je cours. Ça a toujours été un rêve pour moi de pouvoir représenter mon pays, et avec le travail et la persévérance, je me rends compte que tout est possible alors oui j’y pense un peu. C’est plus devenu une motivation et un but qu’un rêve aujourd’hui, même si je sais que la route est encore longue.
TRC : C’est ta 3ème saison aux US, à Springfield. Quels sont tes objectifs pour la suite ? Rester aux US ? La France ne te manque pas ?
CP : C’est actuellement ma 2e année sur place aux US, à Springfield et ma 3e année au total si on compte l’année covid que j’ai passée en grande partie en France. Il y a 3 ans quand je suis arrivé je ne tenais pas le même discours, je me voyais rester et potentiellement faire ma vie ici, j’étais un peu dans l’ »American Dream ». Depuis, je me rends compte que notre culture est vraiment différente et que sur beaucoup d’aspects de la vie de tous les jours j’ai des choses qui me déplaisent. Alors oui, la France me manque sur certains points et j’y reviendrai dès que j’aurai terminé mon éligibilité ici. Je prévois donc de rentrer à la fin de cette saison, d’entrer sur le marché du travail en cherchant un mi-temps, me permettant de pouvoir concilier ma vie pro et ma vie d’athlète. Côté athlé je ne veux pas m’arrêter là, je pense que j’ai encore une importante marge de progression et je veux me donner les moyens pour ne pas avoir de regrets. J’ai seulement 25 ans et je pense que j’ai encore au minimum 2/3 belles années à passer sur les pistes et à battre mes records.
Pour être honnête je n’ai plus aucune limite et sans être prétentieux je vais viser les 1’47’’00 cet été.
TRC : Peux-tu nous en dire un peu plus sur ton université AIC (où est passé notre ami Benoit Campion), quelle formation suis-tu là-bas et qui sont tes coéquipiers dans l’équipe Track and Field ?
CP : American International College est situé à Springfield, Massachusetts à 1h30 de Boston. C’est l’une des plus petites universités de D2. Elle compte environ 3000 étudiants, c’est assez familial, tout le monde se côtoie et se connait sur le campus entre les différents sports, c’est plutôt agréable.
J’ai été diplômé de mon MBA l’année dernière en Mai 2021 après 2 années d’étude, et j’ai commencé un autre Master pour utiliser ma dernière année d’éligibilité cette année, j’étudie un Master Public Health.
L’équipe “Distance” est très internationale, nous avons le double champion des Etats-Unis Ezra Mutai qui vient du Kenya (une fois champion en cross et une fois sur 10 000m, avec un record en 28’’44), nous avons un anglais Callum Elson tout juste All-American sur cross, qui vient de courir 3’59 sur le mile, nous avons un écossais Gavin Smith qui vient de courir 4’06 au Mile, Silas Choge mon compère d’entrainement qui vient de courir 1’52, Charles Guigon également en miler, des garçons Américains entre 1’56 et 1’59 au 800. Bref une team assez dense avec une belle variété de nationalités, c’est très plaisant à l’entraînement. Du côté des sprinters, il y a des garçons entre 47’’5 et 48’’8 sur le 400m, un très bon sauteur et hurdler Yvan Lopes Ribeiro, de Nice (7’84 sur 60 haies, 7m63 en longueur et 15m45 au triple). En clair on a une belle team dans l’ensemble qui se tire vers le haut et qui se soutient les uns des autres.
TRC : En France tu as suivi une formation de haut niveau en gastronomie, tu as notamment bossé pour l’illustre Paul Bocuse. Est-ce que ton projet à côté de l’athlé est toujours lié à la gastronomie/restauration ?
CP : Oui c’est vrai que mon année d’alternance à l’Auberge du Pont de Collonges de Paul Bocuse a été très formatrice, tant dans l’apprentissage de l’excellence du service à la française que dans la rigueur du travail bien fait. J’ai vraiment cette passion de la gastronomie à côté de l’athlétisme, malheureusement il est très difficile de concilier les deux en terme d’horaires de travail. Mon projet à court terme est de travailler toujours dans des métiers de services et d’excellence mais plutôt du côté hôtellerie, ça me permettra de dégager plus de temps pour l’entraînement et de pouvoir ainsi concilier mon projet professionnel et sportif.
TRC : Enfin, on sait qu’avec l’ami Paul Kraemer vous êtes tombés dans une spirale infernale de paris sportifs. Comment ça va de ce côté là ? Es-tu SUR LA PAILLE ?
CP : Notre devise : Aujourd’hui on MET TOUT.
Des hauts et des bas mais toujours dans le positif, on rigole bien en tout cas !
TRC : Question subsidiaire directement liée : doit-on TOUT MISER sur toi aux Nationaux ?
CP : Bonne question, c’est un championnat, les personnes qui me connaisse savent que j’adore les courses de championnat alors je vais dire oui, j’y vais pour la gagne !
Merci beaucoup pour ces questions, vous faites un travail incroyable que j’admire beaucoup, j’espère qu’on se croisera soon, à bientôt le TRC !