Interview de Benoit Campion, de retour de stage à Potchefstroom
Après un hiver où il a pu glaner sa première médaille aux championnats de France Élites (NDLR : le bronze, sur 1500m) et un titre de champion du monde (NDLR : sur relais cross universitaires pour sa première avec le maillot tricolore) le Brestois Benoit Campion arrive confiant et plus motivé que jamais pour aborder cette nouvelle saison estivale.
Le natif de Brest a en effet confirmé cette années les espoirs qui étaient placés en lui depuis son retour des États-Unis, où il a passé 3 ans, en tant que « student athlete » à l’American International College, et où il a réalisé des performances de haut rang (record de Bretagne Espoirs sur 1500m en 3’40 notamment).
Désormais licencié à Toulouse, au SATUC, qu’il a rejoint en début de saison pour se rapprocher de son groupe d’entraînement coaché par Sébastien Gamel (entre autres coach de Djilali Bedrani et Benjamin Robert), Benoit a passé un nouveau cap qui lui permet de nourrir des ambitions relevées. Alors qu’il revient tout juste d’un mois de stage en Afrique du Sud, à Potchefstroom, nous avons pu lui poser quelques questions.
Entretien avec l’athlète de la « Toulouse Running Academy » :
TRC : Salut Ben’ comment vas-tu après ce mois de stage en Afrique du Sud à Potchefstroom ?
Benoit Campion : Salut les gars 😃, ça va super. On rentre de 4 semaines de stage en Afrique du Sud. Avec le sourire car la forme est bonne on a passé de très bonnes séances là-bas, les conditions étaient vraiment optimales pour s’entraîner et puis c’était aussi super pour le groupe de vivre ensemble au quotidien, de se voir en dehors du cadre purement « athlé » et de partager des moments de vie extra-sportifs. Donc sur le plan sportif comme sur le plan humain c’était top.
TRC : Quel était le but de ce stage et quel était son contenu ? (séances, kilométrage etc…)
BC : Le but de ce stage était de démarrer le travail spécifique, parce que la saison arrive vite, donc l’idée est d’être en forme assez tôt pour faire de bonnes performances dès la fin mai et ensuite pouvoir courir sur des beaux meetings en juin. C’est aussi pour cela qu’on a choisir de venir en Afrique du Sud, on cherchait vraiment de bonnes conditions météo pour pouvoir travailler la vitesse, la spé 800/1500/3000 steeple… et arriver en forme à la mi-mai en France.
Avant de partir on a ainsi fait un bloc de foncier pour pouvoir encaisser au mieux ces séances rapides et « lactiques » du stage.
Sébastien travaille avec ce que j’appelle « l’intention ». C’est-à-dire que quand il nous donne une séance, il ne nous donne pas des chronos à réaliser mais plutôt « l’intention » de la séance, l’effort à ressentir
TRC : Comment s’est passée la vie sur place en Afrique du Sud ? Comment vous êtes vous organisés pour partir ?Où étiez-vous logés ?
BC : les conditions de vie sur place étaient vraiment sympas. C’est Tarik Moukrime, qui vient de rejoindre le groupe, qui s’est chargé de l’organisation car il était déjà allé à Potchefstroom l’an dernier. On a logé dans une Guest House (maison d’hôtes) juste à côté de l’université North West, qui possède en fait tous les stades sur lesquels on s’entraînait (la piste en tartan et la piste en herbe c’est à eux).
Au niveau des infrastructures, ça ressemblait beaucoup à ce que j’ai pu connaître aux USA, c’était un campus en fait, avec tout ce dont on a besoin pour travailler et pour bien récupérer. L’ambiance campus est également favorable à la bonne vie du groupe.
TRC : Vous avez un groupe très dense à la Toulouse Running Academy (presqu’autant qu’au Stade Brestois ton club formateur) : comment s’articulent vos séances ? Lesquelles faites-vous en commun ?
BC : On fait pas mal de choses ensemble en réalité : au niveau des footings, des séances de musculation, des PPG… Alors bien sûr il y a quelques petites variations, notamment sur la muscu ou la durée des footings, mais la base, le planning, reste identique pour tous.
Sur les séances spécifiques, c’est là qu’on va voir le plus de différences car effectivement, on ne prépare pas le 800m ou le 1500m comme on prépare le steeple. Cela peut arriver qu’on ait un premier bloc de la séance en commun et ensuite en fin de séance chacun part plus sur sa spécialité. Ça fonctionne bien. On s’entraide, on s’encourage, on partage !
TRC : Comment s’organise votre coach Seb Gamel pour être présent pour chacun de vous malgré la relative diversité de vos disciplines ?
BC : Je suis très admiratif du travail de Sébastien, qui a un job à temps plein de manager chez Allianz et qui arrive quand même à trouver du temps pour coacher un groupe d’entraînement qui est très dense, car il n’y a pas que le haut niveau, il y a en tout une quinze-vingtaine d’athlètes à Toulouse, donc ce n’est pas rien. Il arrive à bien s’organiser et je trouve ça très fort.
Après pendant le stage, il s’est organisé pour qu’on fasse des départs différés ou qu’on ne fasse pas tous les séances au même moment, certains parfois les faisaient le matin et les autres l’après-midi. Cela lui permet de suivre tout le monde. Et même quand on fait tous ensemble, il arrive à avoir un oeil sur chacun de nous, tantôt à vélo à côté, tantôt sur le bord de la piste le chrono à la main.
Sur mon cas personnel, il m’arrive parfois d’être absent pendant des périodes assez longues, parfois pendant plusieurs mois, car je dois réaliser mes stages d’études de médecine à Brest et du coup pendant ces moments-là il me coache à distance. Ce que j’aime beaucoup chez lui, c’est qu’il est flexible : il donne une organisation dans la semaine mais il n’est pas au jour près. Et autre chose que j’aime : il est dans « l’intention ». C’est-à-dire que quand il nous donne une séance, il ne nous donne pas des chronos à réaliser mais plutôt « l’intention » de la séance. Et une fois que nous, athlètes, on aura l’intention, on fera de notre mieux pour réaliser cette intention, ce qui est assez différent de réaliser un chrono. Parce que parfois on sera un peu moins bien, un peu plus fatigué, un peu occupé en dehors de l’athlé… Et qu’on ne pourra pas toujours réaliser un chrono donné. Par contre, on pourra aller travailler dans une certaine zone d’effort, qui peut donc varier selon la forme, mais c’est de réaliser ce type d’effort particulier qui est intéressant. Parfois quand on est fatigué, on peut se cramer à aller chercher à réaliser des chronos qu’on ne sera pas en mesure de faire à l’instant T. On va ainsi moins surveiller la montre et être plus dans le ressenti, c’est une manière de nous faire confiance et de nous responsabiliser/autonomiser en tant qu’athlètes.
Sur le plan chrono je ne me fixe pas de limite. Mon record date d’il y a presque 2 ans, donc mon but c’est déjà de le battre.
TRC : Tu as fait sans doute ta plus belle saison hivernale sur le plan personnel (médaille aux élites et champion du monde de relais cross universitaire) : comment s’est passée la « redescente » ?
BC : Ce premier podium en Élites est même mon premier podium à un championnat de France tout court car je n’en avais jamais fait en jeunes ! Franchement c’était beaucoup d’émotion.
La 1ère sélection en Équipe de France universitaires avec ce titre de champion du monde sur le relais cross, alors là c’était aussi un rêve, qui est devenu un objectif et ça a été un réel bonheur de voir que le travail de plusieurs années portait ses fruits.
Ce sont de belles étapes de franchies, ça donne forcément envie de revivre ce genre de moments, et ça permet aussi je pense de passer des caps sur le plan mental. Parce que jusqu’ici je savais que j’étais capable de travailler dur, d’être bien organisé, rigoureux, peut-être même à l’extrême, mais là désormais je sais que je suis capable de répondre présent le jour J. C’était important pour moi.
Sinon au niveau de la »redescente », je n’ai pas eu de problème, déjà parce que ça repartait sur un gros bloc d’entraînement foncier pour préparer le stage en Afrique du Sud, donc des belles semaines avec pas mal de bornes. Et puis j’ai aussi tout de suite enchaîné avec un stage en dermatologie et j’avais aussi mes examens de fin de semestre à préparer donc je suis vite passé à autre chose. « Le travail éloigne de l’Homme l’envie, le vice et le besoin » comme disait Voltaire dans Candide.
TRC : Comment va s’articuler ta saison estivale et quels sont tes objectifs ? (les compétitions que tu vas faire, les titres que tu vises ?, les chronos que tu espères réaliser…)
BC : J’aborde cette saison avec beaucoup d’enthousiasme. je la vois comme une récompense du travail effectué en amont. C’est donc beaucoup de plaisir pour moi de courir et de récolter les fruits de ce travail.
J’avais en tête les Jeux Mondiaux Universitaires en Chine au départ mais j’ai appris la semaine dernière qu’ils étaient reportés, donc ça ne sera pas pour cette année. Donc le grand moment de ma saison sera le France Élites à Caen où j’aurai à coeur de confirmer ce que j’ai fait en salle. Avant ça bien sûr il y aura de beaux meetings, notamment le meeting de Toulouse le 26 mai, le meeting de Montreuil, le MNEL, et puis bien sûr le second tour des interclubs, cela fait des années que je n’ai pas pris part à cette compétition et j’ai hâte de la redécouvrir avec le SATUC.
Et je vais principalement courir sur 1500m, pour ne pas rater la moindre opportunité de courir vite. Sur le plan chrono je ne me fixe pas de limite. Mon record date d’il y a presque 2 ans, donc mon but c’est déjà de le battre, et avec dans un petit coin de ma tête l’envie de reporter le maillot de l’équipe de France et cette fois avec la FFA… Dès cet été si possible 😉
TRC : Dernière question, vas-tu chanter du Goldman dans le car Toulousain pour les interclubs ?
BC : « Encore un matin
Un matin pour rien
Une argile au creux de mes mains
Encore un matin
Sans raison ni fin
Si rien ne trace son chemin…«
Photos réalisées par Hugo Aussenac. Tous droits réservés.