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Faire un stage au Kenya : l’interview de Julian Ranc, co-fondateur du Run’Ix Athletic Center

Runix

Stage d’athlétisme au Kenya : l’interview du fondateur de RUN’IX

Inutile d’en faire la présentation tant il est impossible de passer à côté quand on commence à s’intéresser au running et à l’athlétisme : RUN’IX est assurément l’un des plus anciens et des plus connus comptes de course à pied sur les médias sociaux, aujourd’hui suivi par plus de 100 000 personnes. Derrière ce succès, 2 discrets alsaciens : Romain Gillig, designer, graphiste, photographe et vidéaste, et Julian Ranc, athlète de niveau national, médaillé aux France Elite sur 800m et crédité d’un record personnel de 3’37 au 1500m, ce qui fait de lui l’un des tous meilleurs français de la discipline. 

Malgré la renommée de leur média, les 2 amis originaires de Brumath sont assez peu connus du grand public et nombreux sont ceux qui ne savent pas que le longiligne demi-fondeur est celui qui tient les rênes de la page. 

Avec le lancement de leur plus grand projet depuis la création de leur entreprise, à savoir l’inauguration d’un centre d’entraînement à Iten au Kenya, Ranc est désormais sur le devant de la scène. Nous avons ainsi profité de cette actualité bouillonnante pour réaliser cette interview, que nous projetions déjà de faire depuis un moment déjà. 

TRC : Salut Julian, comment vas-tu après 6 semaines au Kenya, pas trop fatigué ? Pas trop usé par l’altitude et les conditions d’entraînemnt difficiles (infrastructures parfois usées, chaleur, humidité…) ?

Julian Ranc : Salut le TRC 😄. Ça va très bien ! J’ai l’expérience maintenant avec les stages au Kenya je sais comment gérer pour ne pas rentrer fatigué et hors de forme comme j’ai déjà pu le faire par le passé. Pour les conditions d’entraînement : on s’y fait, c’est le Kenya ! On vient justement ici pour ça. Le fait de courir en groupe, l’ambiance etc, ça nous fait oublier tout ça.

TRC : Tu pars au Kenya tous les ans depuis maintenant quelques années : quel est l’intérêt pour toi ? Combien de temps y restes-tu et comment l’intègres-tu dans ta préparation ?

JR : C’est mon neuvième stage au Kenya depuis 2017. J’y pars chaque année quand la météo commence à se dégrader chez nous (départ mi-octobre en général et retour mi-décembre). Les gros avantages : l’altitude, la météo (contrairement à ce qu’on peut croire la chaleur n’est pas du tout un problème vu qu’on est à 2400m d’altitude) et l’ambiance. Les gens ne se prennent pas la tête ici, tout le monde est relax. Loin du stress de chez nous pour tout et pour rien. J’y effectue chaque année une grosse base foncière où j’enchaîne les kilomètres. C’est tellement facile ici de borner.

runix athletic center
C’est tellement facile ici de borner.

TRC : Quel est ton plan d’entraînement type quand tu es au Kenya ? On imagine qu’en tant que coureur de 1500m tu dois dénoter un peu au milieu de tous ces gros seuillards ? (On voit que tu t’entraînes avec beaucoup de coureurs de long) Comment y trouves-tu ton intérêt en tant que coureur de court ?

JR : Je m’entraîne 10 à 12 fois semaine ici. Il y a en général une séance « difficile » le mardi, jeudi et samedi. Je m’adapte aux plans d’entraînements des athlètes ici pour faire du long et le reste du temps je me base sur le plan de mon coach Kader Mahmoudi. Comme je suis un coureur de court (1500m), je veille à garder deux musculations par semaine (le lundi, muscu légère et vendredi matin muscu lourde) et j’enchaîne avec une à deux séries de 10x100m en pointes sur tartan l’après-midi. Je commence en 15s et je descends progressivement jusqu’à 12s/100m. Ça m’évite de perdre ma vitesse. Comme on a tendance à faire beaucoup de D+ ici, on peut rapidement perdre en vitesse. Donc je compense.

TRC : Quand tu rentres en France, ton entraînement varie ? Comment articules-tu le déroulement de ta saison ? Plutôt du long l’hiver et du court l’été ?

Je fais beaucoup de long au Kenya et quand je rentre j’accélère les allures parce qu’en général les compétitions approchent. Et avec l’altitude du Kenya c’est très dur de s’approcher des allures de course. Mais ça représente jusqu’à 150 kilomètres par semaine en hiver (à partir d’octobre), puis je diminue largement quand l’indoor approche. Une fois l’indoor terminée, je repars encore sur un ou deux mois de base foncière puis j’attaque avec la piste. Et là en période de compétition, ça m’arrive de courir moins de 50KM par semaine 😅

TRC : À part le Kenya, tu pars ailleurs en stage dans l’année ou tu restes chez toi à Brumath en Alsace ?

JR : Je suis parti une seule fois en stage à Monte Gordo en janvier 2021 mais je n’ai pas hyper accroché. Le reste du temps je m’entraîne chez moi à Strasbourg/Brumath en Alsace. Contrairement à l’idée que se font beaucoup de gens, je ne pense pas qu’on soit forcément obligé de partir en stage pour bien s’entraîner. Sauf lorsqu’on veut vraiment faire du haut niveau, où l’altitude est un passage quasiment obligatoire.

TRC : Explique nous le concept du RUN’IX Athletic Center : comment t’est venue l’idée et comment cela va être organisé ? Bob Tahri joue-t-il un rôle dans le projet ?

JR : Bob Tahri a fondé le centre de A à Z en 2015. On lui doit tout à ce niveau-là. Au moment du COVID, la situation n’était plus tenable au niveau financier et vis-à-vis de l’incertitude. Il a donc décidé de fermer définitivement le centre. Nous on a repris en solitaire (l’équipe de RUN’IX) à partir du 1er décembre. On est amoureux de ce pays-là, on veut le faire découvrir au plus grand nombre. Ce pays a tellement à nous apporter à tous les points de vues (entraînement, mindset etc). On reçoit nos premiers stagiaires en ce moment et on s’attend à un gros mois de janvier avec une partie des athlètes de l’équipe de France qui seront là 😉

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crédit photo : Athle.ch
Le centre d’entraînement est un projet sur le long-terme.

TRC : Est-ce que ce centre d’entraînement va désormais devenir ton activité à temps plein ? Tu vas vivre au Kenya à l’année ? Qui t’accompagne dans ce projet ?

JR : Je ne vivrai pas toute l’année au Kenya, parce que j’ai ma famille et mes accroches en France. La gestion du centre représentera en partie mon activité principale avec à côté la gestion de RUN’IX bien entendu et ma carrière d’athlète (qui elle est + une passion qu’un métier puisqu’elle ne me fait pas vivre comme beaucoup d’autres athlètes de mon niveau en France 😅). Le projet du centre est monté à 100% avec Romain Gillig – mon meilleur ami d’enfance qui a créé RUN’IX avec moi. Il est un peu dans l’ombre parce qu’il n’aime pas trop se montrer, mais il est derrière une grande partie du travail que voient nos abonnés.

TRC : Questions pratiques : combien ça coûte de venir s’entraîner au RUN’IX Athletic Center ? En termes de voyage, logement, nourriture et utilisation des infrastructures (on sait que certaines pistes sont payantes) 

JR : Au centre, le séjour en all inclusive revient à 40€/jour. Ça comprend : la nourriture (4 repas par jour), l’hébergement, le nettoyage du linge, Wi-fi etc etc. Comme un hôtel en pension complète chez nous, avec le confort « à la Kenyane ». C’est pour ça qu’on parle de centre d’entraînement et pas d’hôtel. Il ne faut pas s’attendre au grand luxe, même si on y vit très bien. Il n’y a pas d’autres frais annexes, hormis les déplacements aux entraînements et les loisirs à côté (safari ou autre). Le voyage en avion revient au minimum à 500€. Le prix dépend vraiment des périodes de l’année.

TRC : Cela fait combien de temps que tu as créé RUN’IX ? Comment est constituée votre équipe ? Peux-tu nous décrire un peu ton parcours ?

JR : On a créé RUN’IX en 2015. À la base c’était uniquement pour partager des infos sur l’athlétisme en France. Puis quand on a vu que de + en + de monde nous suivait, on a décidé de s’orienter davantage sur le running (course sur route etc) pour toucher un public encore + large. L’athlétisme performance est en réalité un tout petit monde à côté du running pour tous.

Dans l’équipe, aucun de nous n’est journaliste, ni professionnel des médias ou quoi que ce soit de ce genre. On a tous des études qui n’ont absolument rien à voir avec ce qu’on fait (moi j’ai une licence de droit, qui actuellement ne me sert à rien dans ce que je fais 😂). Je suis le seul à être à temps plein dessus, les autres en vivent aussi mais ont une activité professionnelle à côté.

TRC : Quels sont tes objectifs à court/moyen et long-terme pour le RUN’IX Athletic Center ? Est-ce que tu te vois gérer ce projet même après ta carrière sportive ?

JR : Le centre du RUN’IX Athletic Center est un projet sur le long terme. On a d’autres objectifs ici encore au Kenya. On aide beaucoup la population d’Iten aussi via différentes manières (on ne communique pas forcément dessus sur nos réseaux mais c’est l’occasion de le dire ici). On vient en aide à des écoles primaires (principalement par l’achat de bureaux, matériels scolaires etc), aux athlètes (en ramenant des chaussures, vêtements et électroniques) et à la population locale en générale (on emploie uniquement des habitants d’Iten et des alentours). On fait de notre mieux pour rendre tout ce que les Kényans ont pu nous apporter.

Julian Ranc et Alexis Phelut
J’ai couru 3’37 au bout de la douzième course de ma saison

TRC : Et d’un point de vue personnel, quels sont tes objectifs athlétiques ? Avec ton 3’37 sur 1500m la saison dernière tu te rapproches petit à petit des minimes olympiques… Les jeux, l’équipe de France tu y penses ? 

JR : D’un point de vue personnel, j’ai le même objectif depuis quelques années déjà c’est de participer à un grand championnat avec l’équipe de France. Je sais que j’en ai les capacités, mais il faut être réaliste le niveau en France est de + en + relevé et il y a beaucoup de prétendants pour très peu d’élus. L’an dernier j’ai couru 3’37 au bout de la douzième course de ma saison. Sans me plaindre, j’ai un peu subi le système. Malgré mes 2min18 au 1000 sur la première course de la saison, j’ai été refusé à tous les grands meetings en France (Montreuil, Marseille etc). J’ai été accepté seulement en deuxième partie de saison quand les meilleurs Français étaient en vacances et c’est là que j’ai pu abaisser les chronos.

TRC : Cette saison 2021-2022 : quels sont tes objectifs ?

JR : En rentrant du Kenya, je vais courir le 10 kilomètres à Houilles pour voir où j’en suis niveau foncier mais le plus important c’est l’indoor où j’aimerai être le plus proche possible des minima pour les mondiaux indoor. Il va falloir courir aux alentours de 3’37/3’38. Et cet été, descendre sous les 3’35 au 1500m 😉

TRC : À seulement 25 ans tu fais partie des meilleurs athlètes français sur 1500m, tu es à la tête d’un des plus grands médias running français et peut-être mondial et pourtant on entend assez peu parler de toi en tant qu’individu. Peu de gens savaient jusqu’à il y a peu que c’était toi derrière RUN’IX et on parle assez peu de toi malgré ta place dans les bilans : comment l’expliques-tu ?

JR : En fait, c’est vraiment voulu qu’on ne parle pas de moi en tant qu’athlète. Et je pense qu’aujourd’hui on m’associe davantage à RUN’IX qu’à « Julian ». Ça ne me dérange absolument pas. Je suis de nature assez timide et j’avais du mal à me mettre en avant. Le déclic ça a été l’histoire de l’hiver dernier lorsque, bien que je ne sois pas listé haut niveau, j’ai pu courir en compétition. On m’est tombé dessus et on s’en est pris à moi alors que je n’avais rien demandé à personne. Quand j’ai appris cette histoire de liste, comme tout le monde j’ai pris un coup au moral. J’ai contacté mon président de club à Metz (que je ne remercierai jamais assez pour ce qu’il a fait pour moi), en lui demandant de me trouver une solution pour que je puisse courir. Le club m’a donc fait un contrat d’athlète professionnel. Suite à ça j’ai pu courir. Mon cas a beaucoup fait parler (ce que je comprends parce que j’étais le seul dans ce cas). Mais on m’a manqué de respect, on s’est moqué de moi sur les réseaux en pensant que j’avais un passe-droit parce que je gérais RUN’IX. Beaucoup ont parlé, alors qu’ils ne savaient rien de l’histoire. C’était assez marrant de lire certains commentaires aussi bêtes les uns que les autres. Avec du recul, ça m’a aidé… beaucoup m’ont découvert à ce moment-là et grâce à ça j’avais la haine en compétition.

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